L'idéologie ultrème
Discours prononcé par AlphonseHubert devant l'Assemblée Galactique, présentant son analyse critique de l'ultrémisme.
Jusqu'à présent, les commandants se sont toujours fait des idées fausses sur eux-mêmes, sur ce qu'ils sont ou devraient être. Ils ont organisé leurs rapports en fonction des représentations qu'ils se faisaient de Dieu, du commandant normal, etc. pour former une société fondée sur des conventions (l'interdiction de la guerre, l'abdication de la volonté, de la liberté individuelle...). Ces produits de leur cerveau ont grandi jusqu'à les dominer de toute leur hauteur. Créateurs, ils se sont inclinés devant leurs propres créations. Libérons-les donc des chimères, des idées, des dogmes, des êtres imaginaires sous le joug desquels ils s'étiolent. Révoltons-nous contre la domination de ces idées. Apprenons aux hommes à échanger ces illusions contre des pensées correspondant à l'essence de l'homme, dit l'un, à les nier farouchement par l'anti-rationalisme, à les troquer contre une nouvelle foi qui serait différente, dit le troisième et - la 'réalité actuelle' s'effondrera. Ces rêves innocents et puérils forment le noyau de la philosophie actuelle des ultrémistes, qui, dans la Galaxie, n'est pas seulement accueillie par le public avec un respect mêlé d'effroi, mais est présentée par les "héros ultrémistes" eux-mêmes avec la conviction solennelle que ces idées d'une virulence criminelle constituent pour le monde un danger révolutionnaire. Ce discours a pour objectif de démasquer ces moutons qui se prennent et qu'on prend pour des loups, de montrer que leurs bêlements ne font que répéter dans un langage philosophique les représentations des bourgeois galactiques et que les fanfaronnades des commentateurs philosophiques ne font que refléter la dérisoire pauvreté de la réalité galactique. Il se propose de ridiculiser ce "combat" ultrémiste contre une réalité fantasmée, qui convient à la banalité habillée de rêves où se complait l'ultrémiste, et de lui ôter tout crédit. Naguère un brave homme s'imaginait qu'il atteindrait la gloire en terrassant des moulins à vent. Lui au moins avait la noblesse de se tromper. Nos ultrémistes sont des Matamores, terrassant des moulins à vent imaginaires, dont ils vantent les mérites à un peuple médusé. Mes amis ultrémistes, les fantômes n'ont qu'à bien se tenir, vous saurez les éliminer longtemps après leur mort de vos procès vengeurs ! Naguère, un brave homme s'imaginait que, si les commandants se noyaient, c'est uniquement parce qu'ils étaient possédés par l'idée de la pesanteur. Qu'ils s'ôtent de la tête cette représentation, par exemple, en déclarant que c'est là une représentation sociale dûe à la bisounourserie des commandants, et les voilà désormais à l'abri de tout risque de noyade. Sa vie durant, il lutta contre cette illusion de la pesanteur dont toutes les statistiques lui montraient, par des preuves nombreuses et répétées, les conséquences pernicieuses. Imaginons ce second brave homme, luttant de toutes ses forces pour sauver de la noyade des commandants évoluant dans un vide intersidéral où leur faible poids ne leur permettrait d'être tirés par la pesanteur dans des étendues d'eau qui n'y existent d'ailleurs pas. Ce second commandant, c'est le type même de l'ultrémiste moderne.