La dernière des batailles...

De Apocalypsis
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Au pinacle de la plus haute tour de la Forteresse des Cieux Supérieurs, assis sur le Trône du Jugement, Sandalphon attendait.

Droit sur le Trône, le regard fixe devant lui. L’heure du combat arrivait, et il semblait perdu dans ses pensées.

Ailleurs, déconnecté.

Un Haut Prêtre s’approcha derrière lui, et lui souffla à l’oreille :

"Grand Maître… C’est l’heure."

Sandalphon revint brusquement à la réalité, au moment présent, et la flamme de détermination qui avait disparu de ses yeux se ralluma. Il se leva et se dirigea vers le mur ouest de la salle, auquel était accroché le Glaive Divin à Sept Branches dans son fourreau. Sandalphon le décrocha, le fixa autour de la taille de son pantalon de toile blanc, puis ôta lentement le bandeau qui lui ceignait le front, et qui était orné de la Pierre d’Alexiel, symbole de son rang. Il se mit torse nu et ôta également ses chaussures de parure.

"Je fais apporter votre armure, Grand Maître.

-Non, Camaël…

-Mais Maître, vous n’allez pas…"

A cet instant, Metatron pénétra dans la salle du Trône, vêtu de manière identique.

"Prêt, mon frère ?

-Prêt, Metatron, comme autrefois.

-Maître ! Seigneur Metatron ! Vous n’y pensez pas !

-Laisse, Camaël. C’est notre combat. Il y a trop longtemps que nous n’avons pas combattu comme autrefois, lors de la Deuxième Guerre des Cieux. C’est la moindre des choses vis-à-vis de nos ennemis.

Allons-y, Metatron. C’est l’heure, paraît-il…"

Les deux frères quittèrent la salle d’un pas décidé pour se rendre au balcon de la Salle du Trône. De là, ils posèrent leur regard sur les alentours de la Forteresse.

Des vaisseaux de tous types traversaient le ciel, se rendant ça et là, depuis cette forteresse imprenable d’Ithakus, dans tous les systèmes où les combats faisaient rage.

A l’ouest, plusieurs centaines de mètres plus bas, la base de lancement de missiles tournait à plein régime, et les pistes d’atterrissage se vidaient pour mieux se remplir quelques minutes plus tard. Les soldats des Cieux allaient et venaient, avec tous le même visage. Le visage de ceux qui sont prêts à tout car il était probable qu’il n’y ait plus de lendemain.

A l’est, les Légions Séraphiques se massaient et se préparaient aux combats à venir. Leur nombre était impressionnant, et Sandalphon fut fier de ce qu’il avait accompli jusqu’alors.

Et devant eux…

Devant les deux frères s’étendait la masse grouillante des ennemis venus tenter à nouveau de reprendre la Forteresse.

Les soldats d’Aurora étaient là, des morts-vivants désorganisés de Kanaxaï aux mages en lévitation de Lizaka, en passant par les soldats de Salomon. Une armée certes impressionnante, mais que Sandalphon connaissait bien pour l’avoir vue défiler et se renouveler chaque jour en cette même plaine depuis plusieurs jours…

Les troupes divines étaient en position devant l’ennemi. Sandalphon leva le bras, puis l’abaissa, et à ce geste, les Généraux de Sandalphon donnèrent l’ordre de charger aux Légions Séraphiques.

Et alors que les soldats des deux camps se ruaient les uns sur les autres, les deux frères échangèrent un regard entendu, hochèrent de la tête, et déployèrent leurs ailes en plongeant sur le champ de bataille.




Au cœur de la bataille, les deux frères jumeaux, dos à dos, combattaient ensemble dans un frénésie de lames que rien ne semblait pouvoir stopper. Les cadavres s’empilaient autour d’eux, à mesure que les troupes ennemies s’avançaient.

Lever. Abaisser. Lever. Parer. Trancher.

Rythme constant, gestes répétés sans fin.

"Depuis trop longtemps…", songea Sandalphon.

Il se mit à réfléchir au pourquoi de ce combat, tentant de revenir à une époque où ces guerres incessantes n’avaient pas lieu. Il n’y parvint pas, dans un premier temps.

Puis il repensa à son arrivée à l’Assemblée, à ses premiers choix politiques, à ses alliés et amis d’alors.

A ceux qui étaient morts depuis.

Mais alors qu’il était perdu dans ses pensées, un chef d’unité ennemi, armé d’une lourde hache d’armes, se rua sur lui depuis son côté droit. Metatron, qui combattait alors à quelques pas, le vit du coin de l’œil et se précipita vers son frère.

"Sandalphon, à droite !"

Un reflet brillant.

Le bruit caractéristique d’une lame fendant l’air.

Sandalphon réagit une fraction de seconde trop tard.

Le bruit caractéristique d’une lame fendant la chair.

"Mort, se dit-il en fermant les yeux, ça m’apprendra…"

Mais lorsque, n’ayant pas senti le coup porter, il rouvrit les yeux presque immédiatement, il n’était pas mort. L’ennemi à la hache était toujours là. Sandalphon effectua un mouvement souple et rapide du poignet, et la tête de l’homme alla rouler plus loin.

Puis baissant les yeux…

Metatron.

Metatron avait encaissé le coup à sa place.

Metatron était mort à sa place. Son sang se répandait par terre depuis sa blessure au ventre, et la pâleur de son visage était effrayante.

Lorsque Sandalphon réalisa la portée de cette pensée, il poussa un cri de rage qui fit vaciller sur leurs appuis tous les soldats présents. Il se jeta dans la mélée d’un coup d’aile, et laissa exprimer sa rage.

Lever. Abaisser. Lever. Parer. Trancher.

Rythme constant, gestes répétés sans fin.

Pas cette fois. Une vingtaine de morts plus tard, Sandalphon arrêta sa main et reprit son souffle. Un cercle de vide s’était fait autour de lui, mais voyant qu’il stoppait sa colère, les soldats ennemis commencèrent à se rapprocher, peu à peu, l’observant avec prudence. Sandalphon se mit à hurler, les traits déformés par la colère.

"Assez ! Asseeeez !"

Des larmes de douleur roulèrent sur ses joues, et il tomba à genoux, sanglotant, tête baissée, au milieu du monceau de cadavres qu’il avait provoqué. Ses longs cheveux blonds lui tombaient devant les yeux.

"Assez… Que cela cesse, par pitié !"

D’abord déconcertés par ce spectacle, les troupes ennemies avaient stoppé leur avancée dans sa direction. Puis voyant le Grand Maître ainsi désemparé, ils se ruèrent vers lui de concert, poussant leurs cris de guerre.

Sandalphon releva la tête, son regard vide remplacé par un regard dans lequel ne subsistait aucune colère, aucune tristesse. Juste une impression… de soulagement. Il leva au-dessus de sa tête, de la main droite, le Glaive Divin à Sept Branches, et se releva une dernière fois, tandis que les ennemis fondaient sur lui, leurs armes pointées sur lui.

Il ne riposta pas lorsque les lames déchirèrent sa chair. Ni lorsque les balles perforèrent sa jambe droite et son omoplate gauche. Ni lorsque, finalement, un soldat un peu plus habile que les autres lui posa une balle à la tête, laquelle pénétra son lobe temporal droit après avoir fait voler en éclat l’os de sa tempe droite.

Pourquoi se relever, dans ce cas ?

Parce que mourir à genoux : même pas en rêve…

Sandalphon s’écroula, son sang coulant lentement sur le sol, irriguant cette terre qu’il avait défendu. C’était fini.

La nouvelle de sa mort se répandit rapidement, sur le champ de bataille dans un premier temps, puis dans tout l’Empire Séraphique. Partout dans la galaxie, dans plusieurs dizaines de systèmes différents, les tirs cessèrent, les soldats s’arrêtèrent, et les pilotes de kamikazes durent accepter de suivre un traitement psychologique adapté à leurs pulsions suicidaires.


La guerre s’arrêtait. Les Hauts Prêtres des Cieux Supérieurs, privés de leurs Seigneurs après la mort des deux frères, réunirent un Conseil Provisoire, pour négocier la fin de la guerre, et demander une trêve d’une journée pour faire le deuil des frères jumeaux.

Sandalphon fut incinéré, de même que Metatron, et leurs cendres dispersées dans les Cieux Supérieurs. Une pierre de marbre fut toutefois érigée à la place du Trône du Jugement, en mémoire du Grand Maître. Un Exilé de plus, au royaume des Exilés. On pouvait y lire ces mots :

"Ici repose Sandalphon 1er, Grand Maître des Séraphins des Cieux Supérieurs.

Ancien membre des FSIG du Capitaine Kortzanov, juge de Feyd-Rautha sous la présidence de Winston, Chambellan en charge des Armées et chef du Conseil de Sécurité sous le mandat du Chancelier Silence, Membre fondateur du Gouvernement Provisoire des Exilés, Consul Principal et membre des Forces Spéciales Gouvernementales du commandant Live_ocin sous le mandat du Chancelier Mansfeld, membre de l’Organisation.

Il faut continuer à faire ce qui nous justifie. Penser, contester, faire rire. Cultiver nos amitiés, valoriser ce qui les augmente, et ridiculiser ce qui les diminue. Et une fois trouvée la raison de notre présence ici-bas, s’en défaire pour aller au-delà."